dimanche 6 juillet 2008

Doris Lessing, "Les Grand-mères", Flammarion, 2005 - Traduit de l'anglais par Isabelle D. Philippe

C'est le premier roman que je lis de Doris Lessing, Prix Nobel de littérature 2007.
Lors de la nomination de cet écrivain, l'année dernière, j'avais voulu me plonger dans Le Carnet d'or, Prix Médicis étranger 1976, un de ses romans les plus connus. En général, face à une oeuvre titanesque (Doris Lessing a écrit plus d'une cinquantaine de titres), je choisis le livre le plus grand public pour faire connaissance avec un auteur - peut-être est-ce à tort ? Et puis, c'est en me rendant à la bibliothèque l'autre jour que je retombe sur les ouvrages de cette femme que j'avais mise de côté dans ma liste de découvertes littéraires. Le Carnet d'or devait avoir été emprunté.
J'avais entendu parler des Grand-mères à sa sortie, en 2005, parce qu'il traitait d'un sujet tabou : l'amour de deux femmes d'âge mûr pour deux jeunes hommes qui se trouvent être leurs fils respectifs. J'ai emporté le livre avec moi.
Le roman est bref : 120 pages. La construction est assez simple : pas de chapitres, mais deux parties distinctes. L'histoire commence sur un état des lieux, qui se trouve être l'issue de l'histoire. A la terrasse du Baxter's, un café situé en haut d'une dune qui donne directement sur la mer, deux belles femmes d'une cinquantaine d'années s'installent en compagnie des leurs deux fils et de leurs deux petites filles. La symétrie des familles est parfaite, aussi parfaite que le décor, plongé dans un été sans fin. Le roman respire la bourgeoisie, le luxe. On perçoit alors, dès les premières lignes, une dimension étrange à la situation, comme une trop belle image sur papier glacé. Puis Mary, l'une des deux brus, entre en scène et la symétrie se brise. La narration se poursuit sur un retour en arrière : le moment où les deux femmes se rencontrent dans leur petite enfance, leur adolescence, leur vie maritale, et le basculement de chacune dans l'amour qu'elle éprouve pour le fils de l'autre.
L'entrée en la matière de ce roman est très bien vue. Le lecteur se trouve immédiatement pris dans une ambiance étouffante : il se rend compte que quelque chose cloche dans l'histoire, mais il ne peut pointer le problème. Comme j'aurais aimé sentir pleinement cela ! Malheureusement, la 4e de couverture de Flammarion, très très mal faite, avait déjà tout dévoilé de la situation quelque peu... inaccoutumée ! (Comment un éditeur peut-il gâcher le travail d'un auteur en une leçon)
Une des particularités qui m'a frappée dans ce livre est le travail d'écriture. Je me suis demandée si la traductrice (Isabelle D. Philippe, pourtant traductrice d'au moins un autre roman de Doris Lessing) avait bien fait son travail. Hum, hum, je m'explique : plusieurs fois, ma lecture a manqué de fluidité, mais seulement lors de certains passages qui ne m'ont pas paru porteurs d'intérêts particuliers. Ou alors lors de phrases comme celle-ci, que j'ai relevée exprès pour vous et qui me semble vraiment pauvre à cause de la répétition du verbe "être", (p. 90) : "Mais elle n'était pas portée sur l'introspection : elle était comme Tom, qui était toujours surpris par ses émotions quand il était obligé d'y réfléchir."
Malgré cela, ce roman se lit parfaitement bien, il ne faut pas exagérer. Son sujet ne manque pas d'intérêt et il est servi par un regard froid, plutôt intéressant, du narrateur sur les personnages.
Claire

2 commentaires:

Sophie F. a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Sophie F. a dit…

Merci Claire pour cette analyse. J'avais eu la même impulsion que toi après qu'elle ait reçu le Prix Nobel.
J'avais toutefois été un peu « refroidie » par ses propos au sujet du 11 septembre. Bien que son grand âge permette peut-être d'expliquer des dérapages verbaux, j'ai eu un peu de mal...

Ce qui me séduisait pourtant chez cette auteure, c'est sa vie en Afrique, son engagement idéologique (pour les femmes, pour la politique zimbabwéenne).

Je lirai sûrement Les Grands-Mères pour le plaisir de la découverte.

Sophie